Notre ami Jacques cultive son potager de 500 m carrés depuis 1995. Il constate une grosse différence de travail au potager entre cette date et aujourd'hui. Voici ce qu'il nous écrit.
"En 1995 : Je récupérais l'eau de ma toiture dans une seule citerne de 2500 litres. Entre 2 arrosages il pleuvait ce qui remplissait ma seule citerne et le surplus était gaspillé. A cette époque, j'étais autonome en eau d'arrosage.
Lors de la confection du compost, je pouvais l'arroser avec le surplus. Mes arbustes à fruits et décoratifs n'avaient pas besoin d'arrosage. Des légumes ne s'arrosaient pas (laitues, radis noirs d'hiver....). J'avais beaucoup de vers de terre et des limaces. Je confectionnais beaucoup de boutures. J'arrêtais l'arrosage au 15 août.
Aujourd'hui: la terre est dure à quelques mm du sol à cause de la chaleur. Je ne peux plus préparer le sol avec le croc à fumier pour les semis. Je dois utiliser la grelinette pour préparer le sol pour les repiquages et plantations (laitues, poireaux...). Je ne trouve plus de vers de terre, de limaces. Les entreprises qui entretiennent les jardins ne peuvent plus me fournir du gazon pour couvrir mon sol. Si je veux conserver mes arbustes, je dois à présent les arroser (groseillers, callicarpa, buddleia, weigelia, chayottes, casseilles, courges, soucis, rosiers). J'ai été dans l'obligation de les rabattre pour réduire l'évaporation et pouvoir conserver leur feuillage.
À présent , bien que j'arrose les radis noirs d'hiver tous les jours, leurs feuilles sont brûlées par la chaleur. J'envisage de planter des arbres. Il devient difficile d'éviter la montée à graines des laitues. Je n'ai plus assez de places à l'ombre pour certaines cultures. À chaque arrosage tous les 2 jours je consomme près de 2000 litres d'eau. Pour réduire la consommation d'eau, je ne confectionne plus de boutures. Je ne sème plus d'engrais vert l'été car à présent il faut arroser si on veut une germination. Je plante les tomates en avril. J'essaie pourtant d'économiser l'eau malgré mon abonnement à l'eau de la Bourne.
Voisinage : Beaucoup d'arbres sèchent et leurs feuilles et branches tombent ce qui facilite les incendies de forêts. À présent on commence à trouver des oliviers à Chalon sur Saône alors qu'à mon enfance leur culture s'arrêtait à Montélimar. Des viticulteurs arrosent leur jeunes plantations de vignes. Les agriculteurs arrosent leurs champs de blés et d'herbes alors qu'à mon enfance on arrivait à faire 1 coupe de foin et 2 de regain dans l'année le tout sans arrosage. Dans la région de Drôme Ardèche, des rivières, des puits et sources n'ont plus d'eau l'été. Des terrains deviennent sans végétation. Beaucoup de régions de France restreignent les arrosages et lavages de voitures l'été.
Je suis surpris que l'on interdise pas la culture du maïs en vallée du Rhône (trop exigeant en arrosage). Même dans la région de Dax, on arrose à présent les maïs ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans en arrière. Dans un avenir proche, la France aura aussi des régions désertiques."
Le constat de Jacques est de nature à en décourager plus d'un, n'est-ce pas ? Pourtant, il esquisse des débuts de solutions. Voyons de quelle manière nous pouvons mieux les définir.
Jusqu'alors, à l'échelle d'une vie d'homme, ce que nous apprenions de nos parents ou de nos formateurs, nous pouvions l'appliquer dans notre âge mûr. Aujourd'hui, la nature évolue tellement vite que ce n'est plus vrai : nous devons inscrire son évolution dans nos pratiques et actualiser sans cesse nos apprentissages.
Récupérer l'eau de sa toiture : c'est un réflexe plus que jamais nécessaire et l'assurance d'avoir un peu de fraîcheur pour son jardin de proximité, le "kitchen-garden" tel que le nomme la permaculture.
Cycle de l'eau au jardin
Consommer 2000 litres d'eau pour un arrosage domestique parait un peu excessif : si un tel besoin existe, c'est peut-être qu'on a raté quelque chose dans son jardin. Le cycle de l'eau s'entend généralement au niveau de grandes régions. Ne faut-il pas le décliner au niveau de son jardin ? Le concept de jardin-forêt[1] le fait pour sa part.
De plus, un apport régulier d'eau a tendance à stopper le développement racinaire : la plante ne se bat plus pour aller chercher elle-même l'eau plus profond vu qu'elle attend sa ration. Et si l'on doit quand même arroser, il faut explorer les méthodes économes, peut-être le goutte à goutte sur une ou deux périodes par jour.
Le souci de cultiver des plantes moins gourmandes en eau ne doit-il pas se développer ? En adaptant sa flore avec l'apport naturel d'eau, on donne plus de résilience à son jardin. Les associations sont aussi à développer : les fruits et fleurs de buissons et d'arbustes doivent pouvoir bénéficier de l'ombrage d'arbres comme Jacques le sait. Peut-être que des haies séparatives même dans le jardin pourront créer l'ombre dont manquent ses légumes.
La chaleur du soleil impacte directement sur la terre, l'assèche et la rend dure et imperméable notamment à l'oxygène : les bactéries et autres micro organismes meurent et ne peuvent plus se reproduire. On comprend alors que les vers de terre et les limaces se fassent moins nombreux. Si on ne voit pas à l'œil nu les bactéries, il faut toujours observer les vers de terre car ils sont la bonne jauge de la vitalité du sol.
L'oxygène, c'est la vie
La vie du sol a besoin d'oxygène et les bactéries ont besoin de se nourrir. L'apport de gazon externe est bien sûr une solution mais qui dépend d'autres surfaces comme Jacques en a fait l'expérience. En permaculture, on essaie de cultiver du mulch vert et vivant dans le jardin qui donne par fauchages réguliers la matière verte avec laquelle on nourrit les plates bandes cultivées juste à côté. Cela diminue la surface consacrée à la production mais la maintient en vie et en état de produire.
Pour ce qui est des cultures de blé ou de maïs, là, on touche à une question de société : peut-on se permettre des monocultures monocouches qui sont si dépendantes d'apports externes en eau, engrais et pesticides ?
Et à la base de cette question, il y a en une autre : les produits céréaliers sont-ils indispensables pour nourrir l'humanité alors que la paléontologie nous apprend que nos ancêtres du néolithique, il y a dix mille ans[2], n'en disposaient pas comme nous en disposons aujourd'hui ?
Forêt fruitière
Dans sa version de la forêt fruitière, la permaculture nous répond indirectement qu'on peut nourrir le monde avec les cultures multi étagées dont elle s'inspire par mimétisme avec la forêt vierge. Les permaculteurs les plus avancés définissent jusqu'à 11 strates de culture dans un milieu : notre devoir n'est-il pas de se former soi-même en expérimentant ou d'inciter les jeunes à se lancer dans cette voie ?
Les excès de chaleur annuels qui se répètent et tourmentent Jacques à juste titre ne sont pas immuables. Il me semble que c'est un devoir commun de réfléchir et d'agir dès à présent dans le sens de la permaculture pour laquelle le BRF est un allié fidèle et quotidien.
Rappelons que la biotransformation du bois par les champignons, processus fondamentale de la technique BRF, crée de l'eau biologique pure dont bénéficie le champignon en priorité puis tout l'écosystème sol. De plus, le développement mycélien maintient l'aération du sol depuis sa surface : raison de plus de ne pas l'exposer directement aux rayons du soleil et de la garder couverte et nourrie.
Comme quoi, on a toujours besoin d'un plus petit que soi... Une leçon de solidarité telle que la nature nous l'enseigne, à ne pas oublier pour la traduire sans délai dans notre jardin, comme dans l'esprit vivifiant avec lequel nous devons le conduire : pour nous, pour nos jeunes et pour l'avenir de notre belle planète !
Bernard Mercier
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[1] ou jardin-verger avec la présence d'arbres aux côtés des plantes potagères à l'image de la forêt naturelle.
[2] Dix mille ans c'est beaucoup à l'échelle d'une vie d'homme mais très peu eu égard à l'existence des primates dont nous faisons partie et qui remontent à 35 millions d'années : moins de 3 minutes sur 24 heures de temps !